L’enjeu des non-conformités internes au service de l’amélioration continue

Article publié le 21 juin 2024

Par Benoit Kriegel, formateur et consultant en gestion de la qualité.

Les non-conformités internes sont les dysfonctionnements au sein d’une entreprise qui perturbent son organisation et amènent des conséquences indésirables.

Dans cet article, nous allons d’abord définir ce qu’est une non-conformité interne, puis découvrir pourquoi il est important de les traiter, déterminer les grandes étapes de leur processus de traitement et enfin identifier plusieurs facteurs de réussite de ce processus.

Au sommaire :

Qu’appelle-t-on non-conformité interne ?
Pourquoi c’est important de les traiter?
Les grandes étapes du traitement d’une non-conformité interne
Les facteurs de réussite du processus de traitement des non-conformités internes

Qu’appelle-t-on non-conformité interne ?

Par définition, une non-conformité consiste en la non-satisfaction d’une exigence pouvant être relative aux produits, aux services, au management de la qualité, voir être une exigence pour la qualité. Les exigences peuvent émaner de différentes parties intéressées ou de l’organisme lui-même.

Les non-conformités dites internes présentent la particularité d’être détectées au sein de l’entreprise. Une réclamation client, signalée par ce dernier, n’est en conséquence pas une non-conformité interne.

Elles concernent plusieurs typologies de problèmes, en fonction du lieu de survenue, de l’occasion ayant permis la détection et de l’origine des causes.

Retenons que tant la production de rebuts, l’absence d’un document de contrôle, le non-respect d’un mode opératoire, un écart en audit interne, sont tous des non-conformités internes.

Image personnes avec un point d'interrogation

Pourquoi c’est important de les traiter ?

L’amélioration continue s’alimente auprès de deux sources : les bonnes idées, qui peuvent être originales ou issues de benchmarks, et les problèmes divers et variés que rencontre une entreprise. Sans connaissance des problèmes, il est impossible de les traiter et l’entreprise se prive d’un de ses deux vecteurs d’amélioration. Pire, elle laisse la porte ouverte à la répétition des incidents et à la potentielle amplification des conséquences associées.

Plus concrètement, signaler et traiter les dysfonctionnements et les non-conformités internes permet à une entreprise de maintenir et d’améliorer la qualité de ses produits et services, d’optimiser ses processus, de réduire ses coûts, et de renforcer sa culture qualité et son image de marque auprès de ses clients.

Les grandes étapes du traitement d’une non-conformité interne

Comment traiter concrètement une non-conformité interne ?

Les grandes étapes sont similaires, quelque soit le type de non-conformité. Néanmoins certaines peuvent bénéficier d’un processus dédié comprenant des particularités sur une ou plusieurs étapes. Je pense par exemple aux écarts en audit interne.

Ils sont logiquement détectés par un auditeur interne, enregistrés dans son rapport d’audit et ils font ensuite l’objet d’une analyse et d’actions correctives. Citons également les rebuts de production qui peuvent être détectés lors de contrôles produits prévus, réguliers et standardisés.

Mais il existe aussi d’autres dysfonctionnements dont la détection demande une action volontaire supplémentaire. Donc, ils passeraient à travers les mailles du filet si personne ne les signalait.

Pour pouvoir les intégrer à la démarche d’amélioration continue, il convient de déployer une organisation dont les trois grandes étapes sont les suivantes :

  1. Collecte d’informations
    • Détection et signalement de la non-conformité interne
    • Enregistrement des informations qui la caractérisent
  2. Traitement
    • Actions curatives sur les conséquences
    • Analyse de la cause immédiate et des causes racines
    • Actions correctives sur les causes
    • Vérification de l’efficacité des actions
  3. Communication
    • Information des faits, des risques, rappels de consignes, feedbacks

Non-conformités internes - informations

Les facteurs de réussite du processus de traitement des non-conformités internes

Tout commence par la définition d’une organisation : qui signale quoi ? Comment les informations sont-elles collectées ? Qui est chargé de traiter, de suivre l’avancement des diverses actions, d’informer ? Etc… Les enjeux et les acteurs ne sont pas nécessairement les mêmes au cours des trois grandes étapes, il s’agit de bien les distinguer et de chercher à les optimiser en prenant en considération les objectifs visés et le contexte.

Traitement des non-conformités schéma

Collecte d’informations

Cette première étape est la plus critique des trois car si l’on n’a pas connaissance des dysfonctionnements, la suite du processus est purement et simplement inutile.

Sa mise en place ne devrait pas débuter par un choix d’outils ou de modalités de remontée d’informations, mais plutôt par une discussion avec la direction et l’encadrement.

Son but : obtenir leur accord et leur adhésion sur le principe même de rendre visible les dysfonctionnements. Le pourquoi et les bénéfices doivent être compris et acceptés afin que tant la direction que l’ensemble des managers accueillent chaque nouveau signalement comme une opportunité et non comme une menace. Sans cette étape préliminaire, la démarche sera tuée dans l’œuf car si un manager fait barrage, comment peut-on espérer inciter ses équipes à la transparence ?

Ensuite, signaler un problème ne doit pas déboucher sur la recherche du fautif ou d’un coupable, mais sur celle des causes racines ayant conduit à l’incident. Pour une raison simple : l’erreur humaine n’est pas une cause racine ! L’humain est par définition faillible et s’il commet une erreur, c’est qu’il y a une cause à cela.

Ces facteurs peuvent comprendre une inadéquation avec le poste occupé, un manque de clarté des instructions, un problème d’ergonomie du poste de travail, une méconnaissance des produits, un travail dans l’urgence etc… Là encore, ce principe doit être entériné et accepté par la direction et les managers. Si chaque problème remonté est considéré comme une opportunité d’amélioration, alors il convient de remercier et de reconnaître le comportement de ceux qui les signalent, même s’ils sont impliqués dans le problème. Sinon, les collaborateurs craindront les représailles et refuseront de contribuer à la délation de leurs collègues.

J’insiste vraiment sur ces deux premiers points : accueillir positivement le signalement des incidents et ne pas rechercher de coupable sont des prérequis incontournables. Ils sont à la base de toute démarche d’amélioration, sont du ressort de la culture d’entreprise et c’est pour cela qu’ils doivent être ancrés au niveau des dirigeants et partagés par la chaîne managériale.

Partant de là, on peut réfléchir à la méthode : comment, avec quels outils, va-t-on demander aux collaborateurs de signaler les non-conformités internes, puis les enregistrer ? Il me semble que la bonne approche consiste à partir du contexte de l’entreprise et notamment de sa maturité sur le sujet.

Dans une situation où peu voir pas d’incidents sont signalés, où la culture de l’amélioration est encore balbutiante concernant l’accueil et la transparence face aux non-conformités internes, l’objectif en termes de modalités doit être de favoriser la simplicité. Aucune friction ne devrait empêcher le collaborateur qui a décidé de faire un signalement de le faire.

Dans ce contexte, il est également utile de dissocier signalement et enregistrement des informations. Ce qui est recherché, c’est avant tout d’augmenter fortement le volume de signalements et de normaliser la pratique. Je préconise de demander le strict minimum d’informations au déclarant.

Concrètement, le signalement peut prendre les formes suivantes :

  • Informer une personne désignée dans le secteur ou le service, quel que soit le moyen : oral, téléphone, mail etc… Puis cette personne aura pour mission de collecter l’ensemble des informations nécessaire à l’étape suivante de traitement ;
  • Un formulaire papier sous forme de petites fiches accessibles depuis des présentoirs distribués dans les locaux ;
  • Un formulaire en ligne accessible par QR code, si les collaborateurs peuvent utiliser un smartphone.

Bannière support (récupération infos non-conformités)

Dans les deux derniers cas de figure qui s’appuient sur un formulaire, celui-ci doit absolument être court et comporter le moins de champs à remplir possible. L’objectif n’est pas l’exhaustivité ni la précision des informations collectées, c’est que l’incident soit signalé. Les informations seront complétées dans un second temps.

On oublie les multiples champs demandant de catégoriser, de fournir des éléments d’analyses, un niveau de risque etc… La maturité n’est pas encore suffisante. Si une personne qui déclare pour la première fois s’interrompt car elle ne sait pas comment remplir un champ, la probabilité est forte qu’elle ne finalise pas son signalement.

Puis, lorsque l’acte de signaler est entré dans les habitudes, on peut aller plus loin sur le volume d’informations demandées et chercher à optimiser leur enregistrement. Concrètement, on densifie les formulaires de collecte afin que les informations signalées soient suffisantes pour pouvoir immédiatement déterminer les étapes suivantes de traitement.

A ce stade il devient intéressant d’envisager une automatisation partielle du processus, comme la transmission des éléments à un destinataire chargé du traitement selon la nature et la caractérisation du dysfonctionnement par la personne qui l’a signalé. L’automatisation et l’utilisation de solutions informatiques la rendant possible ne devrait pas être envisagée tant que le processus n’est pas efficace. Tant que le nombre de signalement est faible et tant que les informations doivent être complétées après le signalement, l’automatisation n’a aucun sens. En revanche une fois la maturité gagnée sur ces points, un outil logiciel va permettre des gains importants de temps et apporter une réelle plus-value en matière de traçabilité des informations.

Enfin, la formation en bonne et due forme des acteurs constitue le dernier facteur de réussite sur cette première étape du processus de gestion des non-conformités internes. Quelque soit le dispositif et la densité d’informations demandées, chaque collaborateur doit en avoir connaissance, savoir y accéder et l’utiliser. Chacun doit aussi comprendre l’importance du rôle qu’il doit jouer et de la contribution qu’il va apporter.

Traitement

La qualité du traitement des non-conformités internes repose sur trois piliers. Le premier concerne la vélocité de ce traitement. Nous sommes face à un dysfonctionnement existant, associés à des risques et générant des impacts. La réponse à lui apporter et les actions à mettre en œuvre doivent l’être rapidement faute de quoi les conséquences négatives risques de continuer à s’amplifier. Les actions curatives doivent être immédiates, tandis que les actions correctives sont planifiées dans des délais cohérents.

Le deuxième facteur porte sur le fait de mener à bien les actions. Cela semble trivial, mais tant qu’elles ne sont pas réalisées, le dysfonctionnement persiste et les causes à son origine sont susceptibles de se reproduire. De plus des délais dépassés et des actions qui traînent envoie un message négatif à la personne qui a signalé l’incident, qui risque de se questionner concernant l’utilité de sa contribution.

Ceci m’amène au troisième facteur qui porte sur les analyses de causes. Evidemment il convient qu’elles soient pertinentes et permettent bel et bien d’identifier les causes racines réelles. Mais je considère que la phase d’analyse doit être compatible avec les deux premiers facteurs de vélocité et de complétude de traitement, ainsi et surtout qu’avec les ressources disponibles. Dit clairement : le volume d’analyse et le volume d’actions en découlant doivent permettre un traitement véloce et des délais respectés.

J’amène ici l’idée que pour ce faire, toutes les non-conformités internes ne nécessitent pas nécessairement d’analyse des causes approfondies. Ou plutôt qu’on peut choisir de prioriser le traitement en profondeur de certains types de problèmes : ceux qui sont les plus impactants, récurrents, à risque et se satisfaire d’un simple traitement curatif pour les autres.

L’enjeu de fond du traitement d’une non-conformité c’est qu’il aille à son terme. Si les analyses sont un goulot, si les actions sont un goulot, on prend le risque de perdre les sources d’informations car les collaborateurs ne signaleront plus les incidents. Bien sûr ces éléments sont à considérer sous le prisme des ressources disponibles. Or ce point constitue souvent le talon d’Achille. On déploie un dispositif, on forme le personnel, on incite au signalement et on se retrouve avec un volume d’incidents que l’on n’est pas en mesure de traiter. Alors trouvons plutôt un équilibre cohérent qui permet de mener les actions à leur terme tout en maîtrisant les risques.

Communication

Lorsqu’une non-conformité interne est finalement traitée, la question de la communication se pose. A minima, la personne qui a signalé l’incident en premier lieu doit être informée du travail réalisé grâce à elle et remerciée de sa contribution à l’amélioration continue. Ce feedback va permettre de conserver cette personne mobilisée et susceptible de signalement des dysfonctionnements futurs. Sans ce retour d’information, il est peu probable qu’elle reste motivée et proactive.

Selon la nature des actions menées, la communication post traitement peut aussi inclure un format à plus large spectre portant à la fois sur les faits, des explications des risques associés, sur des rappels de consignes, les actions menées et les changements apportés.

Retenons surtout que le traitement ne se termine pas à la clôture des actions, mais par la transmission des informations. Faire des bilans périodiques de l’activité de gestion des non-conformités internes est aussi un bon moyen de légitimer le signalement d’incidents et de rendre visible les gains apportés par ce processus.

Conclusion

Pour conclure cet article, j’aimerais souligner l’importance de définir un processus de traitement des non-conformités internes qui soit compatible tant avec la culture que le contexte de l’entreprise.  Il n’y a pas de meilleure manière de procéder dans l’absolu. Seulement de meilleures options au regard de ces éléments particuliers qui évolueront nécessairement dans le temps.

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